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Peut-on s'engager juste parce que l'on est bien avec l'autre ?

S'interroger

Peut-on s'engager et/ou se marier juste parce que l'on est bien avec l'autre et qu'il répond à tous les "critères", même si l'on n’est pas bien sûr de ses sentiments ?

Avant d’essayer de comprendre comment être heureux en couple, il est important de comprendre comment on « fonctionne » soi-même. C’est ce qu’on va essayer de faire à l’aide d’un schéma appelé « zones de l’être », un schéma d’anthropologie chrétienne.

Ce schéma nous permettra aussi de mieux comprendre les différentes composantes qui entrent en action dans toute relation.

Le tout jeune bébé communique principalement par son corps et son affectivité: le corps manifeste par des cris sa faim, sa peur, son inconfort...; par le sourire, sa joie ou sa satisfaction. Son affectivité se développe: au début, il aime sa mère peut-être parce qu'elle satisfait ses besoins matériels, mais on sait maintenant que, dès la vie intra-utérine se développe tout un échange affectif. L'enfant aime sa mère, simplement parce que c'est elle.

En grandissant, l'enfant développe progressivement sa raison (qui lui permet de comprendre, réfléchir, connaître, évaluer...) et sa spiritualité : tout le monde, même le non croyant, a une zone spirituelle : c’est là que se trouvent les questions de « sens » : pourquoi je vis ? Pourquoi la souffrance et le mal ? Et après la mort ?...Là aussi s’enracine l’échelle de valeurs qui évalue les comportements, qui dit : « ceci est bien, ceci est mal ». Et aussi une soif de Dieu (même si elle n’est pas reconnue consciemment comme telle.)

Au cœur, le « Je Libre » (pas le MOI, qui a une signification psychologique particulière).



Toutes ces zones communiquent entre elles et s'enrichissent mutuellement, même si elles se contredisent souvent. Pour bien le comprendre, on va prendre un petit exemple :

Un enfant se promène dans la rue et rencontre un monsieur qu'il ne connaît pas qui lui présente des bonbons. Son corps va dire "chic! accepte!". Mais son intelligence va dire: "Non, ma Maman m'a toujours dit de ne pas accepter les cadeaux des inconnus."

Il va donc devoir choisir entre ce que lui dit son "corps" et ce que lui dit "sa raison".

Il y a donc conflit intérieur, et pour résoudre ce conflit, il va devoir exercer sa liberté : il va devoir décider de ce qu’il va faire : s’il est esclave de sa gourmandise, il va peut-être accepter les bonbons, mais ce ne sera pas un acte libre : il l’aura fait, simplement parce qu’il n’était pas capable de ne pas le faire !

L'adulte devrait normalement être capable d'avoir des relations interpersonnelles libres, c'est à dire qu'il décide, en fonction des informations données par son corps, son coeur, son intelligence et sa spiritualité, de la conduite à tenir, sans être esclave de l’une ou l’autre zone.

Ce schéma marche aussi pour expliquer notre façon de vivre nos relations amoureuses :

Et explique aisément la distinction entre être amoureux et aimer.

L’attirance sexuelle : elle est de l’ordre de la pulsion : je vois un bel homme, une belle femme, je le (la) désire. Cette pulsion est le plus souvent éphémère, le désir disparaît quand il est assouvi.

L’attirance affective

Nous avons tous besoin d’être aimé. On peut être attiré par quelqu’un qui nous comble affectivement : il (elle) m’écoute, me comprend, … On est dans l’ordre du « prendre », du recevoir… le don n’entre pas encore en jeu.

Quand on tombe amoureux n'entrent en jeu que le corps et/ou l'affectivité.

Ex: imaginons que je sois encore une jeune adolescente. Ce matin, pour aller aux cours, j'ai croisé dans le bus un gars superbe. Flash ! Je suis amoureuse. En discutant avec lui, je me rends compte qu'en plus d'être vachement beau, il est drôlement sympa. Reflash, affectif cette-fois. Je suis donc amoureuse, sans l'avoir forcément cherché ou prémédité.

Dans cet exemple-ci, il s’agit d’un coup de foudre, mais on peut tomber amoureux lentement : une amitié peut se transformer tout à coup ou pas à pas, en attirance amoureuse. Toutes les histoires d’amour sont uniques et ont un développement tout à fait particulier !

Donc, être amoureux, c'est une émotion, une attirance que je subis. Et ça peut aussi arriver aux gens mariés !

Aimer, c'est la même chose, mais l'intelligence et la spiritualité ont leur mot à dire: elles peuvent freiner ou accélérer une relation.

Ex: je reprends l’exemple précédent : en discutant avec le gars, je me rends compte qu’il est marié. Manque de chance pour moi ! Je ne l'ai pas forcément fait exprès de tomber amoureux de lui mais maintenant ma raison va crier "casse-cou" et ma spiritualité va m'interroger sur le sens de cette relation éventuelle: puis-je construire mon couple en détruisant une famille déjà constituée ?

Aimer, c'est donc accepter une passion amoureuse, en la soumettant à la raison et à son idéal. Je ne subis plus mes sentiments, car je décide de leur évolution, sans en être esclave, et après avoir interrogé toutes les zones de ma personnalité. De façon libre et responsable.

Actuellement, le modèle éducatif dominant, (représenté par la zone « environnement culturel » : nous sommes influencés, qu’on le veuille ou non, par les modèles de la société) en matière d’affectivité et de sexualité, ne tient pas compte de toutes ces dimensions.

Petits vélos : imaginons 2 personnes (2 séries de ronds des ZE) qui se mettent ensemble, pour former un couple. On peut imaginer que ça forme un vélo (ils vont faire route ensemble).

1. Le modèle actuel prône la mise en couple sur simple attirance sexuelle : les 2 zones externes. (rouge) Ce type de couple ne vit généralement que quelques heures ;

2. On remarque aussi chez beaucoup de jeunes la formation de couples qui ne s’appuient que sur les deux zones « extérieures » : le corps et l’affectivité. (rouge – orange) Ils sont très amoureux. C’est tout. Inutile de réfléchir (au nom de la spontanéité et de l’authenticité, ils ne veulent pas imaginer que l’amour et la raison peuvent aller ensemble). Ce vélo n’est pas solide, il n’a pas de cadre. Si le chemin n’est pas lisse et plat, c’est la chute..

3. Le jansénisme, (bleu-vert) (il s’agit d’un courant qui a influencé une partie de l’église au début du XX° siècle et a laissé des traces chez certains jusqu’à aujourd’hui. Même si ce courant n’était pas officiellement reconnu, il mettait l’accent, de façon intense et exagérée, sur le respect de la loi. Il fallait faire les choses par devoir. L’amour passait au second plan) Le jansénisme donc valorisait essentiellement les deux zones « intérieures », ce qui rendait les mariages solides, mais pas forcément heureux, car les zones du corps et des sentiments n’étaient pas suffisamment prises en compte (quand elles n’étaient pas niées !) Ce vélo passait peut-être presque partout, mais était tellement peu confortable (imaginez- vous dans un chemin à bosses, avec des pneus plats…)

4. L’amour, qui tient compte de toutes les Zones, est donc un VTT : tout terrain, il passe dans les endroits difficiles, mais permet de profiter pleinement de la route quand elle est paisible et belle…

Il est très important de se rappeler tout cela, car notre vision de l’amour est souvent “ polluée ”. C’est ce que nous pourrions appeler les fausses idées de l’amour. Pour répondre donc à la question, c’est important de comprendre que le bonheur en amour se construit à partir de toutes les zones de l’être. Depuis le Concile Vatican II, on a redécouvert que l’anthropologie chrétienne donne toute sa place au corps et à la sexualité. Jean-Paul II a développé toute la théologie du corps, qui rend au corps et à l’attirance toute sa place et sa beauté. Le corps ne s’oppose pas à la raison, l’affectivité ne s’oppose pas à la spiritualité : toutes ces zones se complètent et se renforcent mutuellement. Les problèmes commencent quand on ne veut pas tenir compte de l’une ou l’autre.

 

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