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Les diplômes sont-ils liés aux valeurs morales et chrétiennes de quelqu'un?

S'interroger

 Diplômes, rencontres et valeurs chrétiennes

"Les diplômes et la profession sont-ils liées aux valeurs morales et chrétiennes de quelqu'un ?" Boniface.

Il semble qu’il n’y ait pas une, mais plusieurs réponses à cette question.

Première réponse

Evidemment, il n’y a pas de lien entre d’une part mon diplôme ingénieur ou mon B.T.S. et d’autres parts mes valeurs chrétiennes !
Tant d’agnostiques et d’athées ont reçu le diplôme en même temps que moi. Ils exercent leur profession aussi bien ou même mieux que moi.
Le diplôme, c’est une question de compétence.

Deuxième réponse :

Mais, Je pourrais aussi l’inverse : évidemment, il y a un lien entre ma foi et le métier que j’exerce.
Si mon occupation professionnelle m’entraine sur des chemins louches, malhonnêtes, exploitant mon prochain, etc…, il y aura incompatibilité certaine.
Parfois, des chrétiens peuvent avoir des discernements difficiles à faire : dois-je continuer mon activité si elle s’éloigne trop de ma foi ou de mes valeurs ?
A ce moment, Il est préférable de demander conseil, par exemple auprès du Mouvement des Cadres Chrétiens (M.C.C.) afin de discerner la meilleure façon de rester cohérent avec sa foi.

Mais comme nous sommes sur le site Theotokos, je sens que, derrière cette question du lien entre la valeur intellectuelle et le fait d’être croyant, se dessine la question du décalage culturel dans une rencontre amoureuse.

Prenons un exemple :

Je souhaite fonder un couple chrétien. Je rencontre quelqu’un qui partage les mêmes valeurs que moi.
Mais, problème : je suis Bac + 1, et il /elle est Bac + 9.
Est-ce que notre rencontre peut aboutir ?
Est-ce que nos valeurs communes peuvent « effacer » nos différences de diplômes, voire notre différence de culture ?
La réponse est … bien malin qui le dira.

Après un stage célibataire, un homme m’a confié : « C’est dur parfois. On s’approche d’une fille, on cause un peu ; on peut parler sur la foi. Mais quand elle a compris ce que je fais comme travail, le milieu modeste d’où je viens, etc., elle me fait vite comprendre que je ne l’intéresse pas, même si par ailleurs je suis croyant pratiquant.
C’est cruel n’est-ce pas ? Au moins, cela a le mérite d’être clair et de ne pas me faire croire par gentillesse que je vais pouvoir imaginer une histoire avec elle. Mais c’est dur »
Cet homme ressent dans sa chair le décalage culturel.

A chacun donc de « travailler » son petit radar perso pour évaluer l’environnement culturel des personnes vers qui on est attiré, avec son propre environnement.

Pourtant, pourtant...

Travailler ce petit radar ne doit pas nous empêcher de rester ouvert à l’inattendu.
Durant les stages célibataires, des unions se font entre personnes aux environnements vraiment différents.
« On m’aurait dit que je me serais fiancée avec A., jamais je ne l’aurais cru. » En effet, entre A. et B., le décalage culturel entre eux était assez grand. Mais, allez donc savoir pourquoi, durant ces quelques jours, s’est produite une alchimie. Pourquoi ?

Tous deux avaient le cœur ouvert. Ils étaient prêts à la rencontre. Ils étaient tous deux ouverts à l’Esprit. Leur foi était assez libre et assez vivante pour se laisser surprendre, par delà leurs différences.

Voici un autre couple :

Lui est salarié dans une entreprise de peinture en bâtiment. Elle est enseignante. Lui a quitté l’école dans sa jeunesse, le plus vite qu’il a pu. Il avoue faire depuis pas mal d’années un métier monotone, sans grande responsabilité, sans grand épanouissement. Mais c’est un bon guitariste et un bon chanteur. Il fait partie d’un groupe qui se produit de temps en temps. Elle est passionnée par son métier d’enseignante. Ce couple a connu la difficulté du décalage culturel. La construction de ce couple était risquée. Mais l’existence de ce groupe musical a fait la différence. En effet, elle admire son homme, les jours où il se produit sur scène.
Parallèlement à une vie un peu tristounette, il a su bâtir son « œuvre ». Et puis il a toujours eu un franc-parler qu’il a su affiné au fil des temps. Une personnalité. Cela aussi fait la différence.
Et puis ils sont chrétiens. Les valeurs qu’ils partagent sont plus fortes que ce décalage de diplôme, qu’ils n’ont cependant jamais nié.

Prenons encore un autre couple (fictif celui-là) :

« Lui » est diplômé d’H.E.C., « elle » a seulement obtenu son Bac avec mention « j’ai eu chaud ». Le couple part certainement avec un handicap, comme les chevaux à l’hippodrome de Vincennes.
Mais ce couple peut gagner la course, si cette femme sait éveiller en elle une autre intelligence qui n’est pas celle qu’on demande en priorité dans les Grandes Ecoles (et qu’elle n’a pas) : une intelligence pratique ou intuitive.
Et si bien sûr, son mari a appris à capter cette intelligence et se laisser charmer par elle.

Comme pour le peintre en bâtiment de l’histoire précédente, pour elle aussi, il est capital d’avoir réussi une œuvre, une œuvre bien à elle, dont son mari est fier. A n’en point douter, le défi principal de ce couple sera de nourrir la communication, notamment à table.

  • « Comment m’intéresser à ce qui l’intéresse, si je ne comprends rien, se demande-t-elle ? »
  • « Comment l’intéresser lui, s’il sait tout ? »
  • « Comment faire si lui n’a pas appris à vraiment m’écouter ? »

Si durant la période dite des fiançailles, de la mise en confiance, l’un ou l’autre s’aperçoit que leur conversation commune engendre un malaise durable, ils devront prendre cet avertissement très au sérieux. Il se peut que l’écart culturel soit trop grand. Le diplôme ou la profession empêche la relation, malgré la foi ou les valeurs qu’ils partagent. Tous deux, en effet, auront du mal à se nourrir de la parole de l’autre.
Le couple risque alors de tomber dans la mendicité de la parole, et donc d’aller faire un jour la manche ailleurs.

Il serait injuste de terminer ces quelques réponses en laissant croire que celui ou celle qui n’a pas fait beaucoup d’études est responsable du décalage culturel dont souffre le couple.


L’inverse se présente plus souvent qu’on ne pense. En effet, lorsqu’une personne a fait de hautes études, sa matière grise a pu tellement s’investir dans le travail, qu’elle a entrainé au cours des années une sorte de décollement du réel et des sentiments. Chez cette personne bardée de diplôme, tout tendrait à devenir plus ou moins abstrait, plus ou moins affaire de chiffre, de résultat, de prévision. A ce moment-là, il est urgent que le métier ou le diplôme soit bien lié aux valeurs chrétiennes de cette personne. Car une conversion doit se produire nécessairement. Grâce notamment à une foi plus vivante, plus libre, celle-ci pourra retrouver la joie simple de s’émerveiller, de donner et de recevoir, cette joie dont on parle à chaque page de l’Evangile.

« Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre. Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits ! » (Luc 10,21)

 

Père Nicolas Rousselot sj

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