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Rencontre : J’ai envie, mais j’ai peur d’aimer… !

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Les blocages récurrents chez les célibataires Benedicte Lucereau

Entretien avec Bénédicte Lucereau, conseillère conjugale et familiale, thérapeute de couple au cabinet « Mots Croisés ». Bénédicte Lucereau accompagne de nombreux célibataires. Elle a co-écrit « Ces amours qui n’avancent pas », et « Et si on se mariait, comment savoir si on est prêt ? » aux éditions de l’Emmanuel.

Aujourd’hui, on constate que, parmi les célibataires, nombre d’entre eux n’amorcent aucune relation amoureuse, ou celles-ci ne débouchent sur aucun lien définitif. Pour quelles raisons ?

A l’occasion d’une session avec des célibataires, j’ai été frappée par la souffrance de ces personnes et j’ai découvert que leurs hésitations ne venaient pas tant d’un égoïsme qui conduirait à ne pas se donner mais bien souvent de véritables blocages rendant stérile toute action. Les causes sont diverses et vont de l’histoire personnelle, du passé de chacun à des raisons plus générales dues à l’évolution de la société.

En quoi le passé peut-il gêner l’entrée en relation amoureuse ?

Dans notre histoire familiale, l’image de l’homme et de la femme, celle du mariage ont pu être blessées en nous. Il est important de regarder quel homme et quelle femme étaient nos parents pour identifier nos blessures, si l’un dominait par rapport à l’autre, s’ils étaient fidèles. Dans notre histoire personnelle, nous avons pu vivre une mauvaise relation amoureuse, une enfance difficile qui sont autant de freins pour croire au bonheur et aller vers autrui. L’amour de l’autre me renvoie très vite en miroir le positif mais aussi le négatif de ma personnalité et il est difficile de me découvrir imparfait, différent de l’image que j’avais de moi. L’autre devient dangereux car il m’oblige à regarder mes zones d’ombre. La question reste ensuite de savoir ce que je vais faire de ce passé.

Peut-on travailler cela ?

Bien sûr ! Il est capital d’identifier ses blessures personnelles, d’accepter de les avoir vécues, de travailler à les apaiser. Penser que l’amour pourra tout réparer est un leurre, même s’il est une aide importante : il rend confiance mais ne peut pas tout. Chacun est responsable de ce qu’il fait de son histoire. Sinon, on risque d’imputer à l’autre des difficultés que la relation met au grand jour et qui en fait viennent de notre passé.

Quels sont les blocages que vous retrouvez de manière constante chez ces célibataires ?

Tout d’abord il y a une erreur de jugement assez répandue, sur ce qu’est véritablement aimer. J’entends souvent : « Je suis avec quelqu’un mais je ne l’aime pas. » En fait, ils aiment, mais face au décalage entre une image idéale et la personne réelle, ils doutent. Pour eux, l’amour doit s’imposer comme une évidence. On peut aimer sans passion, sans élans prodigieux.

Ensuite, il y a erreur sur le but. Beaucoup considèrent qu’aimer implique de rendre l’autre heureux : c’est se mettre un poids énorme sur les épaules qui fait peur. Le bonheur est un fruit de l’amour, on s’engage à s’aimer, à être compagnons de route, et non pas à se rendre heureux.

Certains blocages viennent aussi sans doute de l’histoire familiale ?

On le voit chez les enfants de couples divorcés : ils ont peur de reproduire l’histoire de leurs parents et croient que l’amour n’est pas possible ; heureusement, les traces, si elles sont douloureuses, ne sont pas indélébiles. D’autres ont en tête un schéma stéréotypé qu’ils croient leur convenir. J’ai accompagné une jeune femme ; elle sortait avec un garçon qui n’était pas de son milieu : elle n’a pas été capable de faire le choix de l’épouser car elle craignait la réaction de ses parents. Pour les célibataires, l’opinion de la famille reste une référence très importante et cet attachement peut leur être néfaste. Certains garçons idéalisent leur mère et estiment qu’aucune femme ne la vaut, ou bien d’autres ont souffert de l’emprise maternelle et redoutent toute relation féminine. Certains restent liés à leurs parents, rentrent à la maison tous les week-ends, se créent des devoirs à leur égard parce que cela leur donne une place : on a besoin d’eux ! En fait, même à 32-33 ans, ils ne sont pas encore devenus adultes.

Voulez-vous dire qu’il faut être adulte pour savoir aimer ?

L’adulte est celui qui se connaît avec ses défauts et ses qualités ; il est libre du regard des autres, capable de poser un choix qui ne soit pas fondé seulement sur des envies, des émotions ou l’approbation d’autrui, famille ou amis. Pour pouvoir aller vers sa terre, chacun est appelé à tracer sa route, unique, avant d’entrer dans une relation. Le temps de la solitude est nécessaire pour s’habiter soi-même et ne pas agir conformément ou en réaction au désir des autres. On peut se poser ces questions : quel est mon propre désir ? Suis-je dépendant du regard des autres pour vivre ? L’amour est une occasion de mûrir, de devenir soi-même un monde à découvrir pour l’être aimé.

Qu’appelez-vous aller vers sa terre ?

Quand on dit : « L’homme quittera son père et sa mère », cela ne signifie pas seulement ne plus habiter sous le même toit mais de se tourner vers l’avenir et notamment son avenir de couple. La dépendance vis-à-vis de la famille nous empêche de le faire. Il faut couper ces liens qui maintiennent dans l’enfance, renoncer à cette image de parents idéaux que nous n’avons pas eus et accepter sa famille telle qu’elle est, dans une juste distance.

Quel est le juste équilibre de la relation amoureuse ?

Il demande de ne pas se rechercher dans l’autre, de se décentrer de soi, de passer de l’amour de soi à l’amour de l’autre. Pour cela, il s’agit d’abord de découvrir qui on est. On ne va pas vers l’autre pour combler un manque. L’amoureux adulte est celui qui a réussi à trouver le juste équilibre, ni trop près, ni trop loin de l’autre. J’ai suivi un homme qui sortait avec une jeune fille depuis trois ans. Il n’avait jamais eu de liens avec son père mais sa mère était très présente. Sa peur de devenir père, par manque d’exemple, l’empêchait de s’engager. Il n’a pas pu sortir de cette relation de contre-dépendance : si tu t’approches trop près de moi, je vais être obligé de me décider, je préfère donc prendre mes distances. Nous sommes tous habités par ce double mouvement, le désir d’autonomie et le désir de fusion, mais ils coexistent en chacun selon des intensités variables. Beaucoup de blocages viennent de ce mauvais positionnement.

Vous le remarquez souvent dans vos consultations ?

Certains attendent tout de l’autre et sont très demandeurs d’attentions. Ils sont affolés au moindre différend, au moindre désaccord, déçus si leurs goûts divergent ou s’ils ne peuvent tout faire ensemble. D’autres, au contraire, ont peur de l’inconnu où la relation va les mener, peur d’être envahi dans leur intimité et fuient dans leur caverne. Aucune des deux attitudes n’est juste. Il s’agit d’entrer dans une interdépendance où le désir d’aimer et d’être aimé est respecté, où chacun peut devenir lui-même sans être menaçant pour l’autre. Chacun sait qui il est, connaît ses besoins, n’en fait pas porter le poids à l’autre qu’il accepte au-delà des déceptions et des différences. Pour qu’une relation soit juste, chacun doit pouvoir prendre des moments de solitude (c’est l’oxygène de la relation) pour revenir ensuite vers l’être aimé. Attention, il ne s’agit pas ici de rechercher avant tout son épanouissement personnel, auquel cas la relation n’ira pas très loin.

Le flou des identités masculin/féminin n’est-il pas aujourd’hui un facteur inhibant pour les hommes comme pour les femmes ?

Il est parfois très difficile pour les célibataires de se situer en tant qu’homme et femme. Le féminisme a entraîné la confusion des rôles, au risque de ne plus savoir quelle est la place de chacun. On le voit dans certains couples où les parents ignorent ce qu’est être père et mère. Les hommes finissent par se demander à quoi ils servent, devant la capacité féminine à s’adapter à toute situation et les femmes ne trouvent plus que des hommes fragilisés par ce constat. Voilà pourquoi, il est capital de se connaître : la femme a besoin d’être sécurisée pour donner la vie, et l’homme d’être valorisé, encouragé, non par narcissisme mais comme un moteur pour aller de l’avant. Les femmes ne réalisent pas qu’en se mettant sous la protection de l’homme, elles lui permettent d’aimer pleinement sans dominer ni asservir. On peut poser cette question à l’un et à l’autre : comment prenez-vous votre place d’homme ou de femme à côté de la personne que vous recherchez ? Les différences entre les sexes ne sont pas toujours bien comprises : l’autre devrait réagir comme moi. Or cette méconnaissance de la spécificité entraîne le refus d’être chacun dans la fonction qui est la nôtre.

Bénédicte Lucereau animera le dimanche 3 octobre prochain une visioconférence en live : "Les freins à la rencontre" dans le cadre des RDV Theotokos.

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