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Les célibataires stigmatisés par la société

S'interroger

Les célibataires se sentent toujours stigmatisés par la société

Malgré une progression croissante du célibat, le couple continue de s’imposer comme norme sociale puissante, d’après une étude de l’Ined. Les jeunes femmes des classes aisées au début de la trentaine sont les plus susceptibles de souffrir de l’absence de relations stables.

« La diversification des parcours conjugaux et des formes d’union ne s’est soldée ni par un affaiblissement de la norme conjugale, ni par une vraie reconnaissance de la vie de célibataire », écrivent ainsi Marie Bergström, Françoise Courtel et Géraldine Vivier.

La porte d’accès privilégiée à la parentalité

Comment expliquer ce paradoxe ? « Dans le prolongement des travaux de Pierre Bourdieu, notre hypothèse est que le couple garde la fonction d’instituer et de conforter les rôles sociaux, genrés, d’homme et de femme, et qu’il constitue la porte d’accès privilégiée à la parentalité et à la constitution d’une famille », détaille Géraldine Vivier, ingénieure de recherche à l’Ined.

L’article, diffusé mardi 30 juillet, s’appuie sur les résultats de deux enquêtes croisées. L’une, quantitative, est une étude des parcours individuels et conjugaux (Epic) conduite entre 2013 et 2014 en France métropolitaine par l’Ined et l’Insee auprès de 7 825 personnes âgées de 26 à 65 ans. L’autre, qualitative, a été menée sous la forme d’entretiens auprès de 42 hommes et femmes célibataires qui avaient répondu à l’Epic.

Selon ces travaux, une personne sur cinq entre 26 et 65 ans déclare ne pas être en couple et une personne sur deux a vécu une période célibataire d’au moins un an. Cette notion de célibat n’est pas définie par les auteures par rapport au mariage, mais est entendue comme le fait de ne pas cohabiter avec un partenaire et de ne pas avoir de relation amoureuse importante.

Un célibat subi chez les cadres, choisi chez les ouvrières

D’après les chercheuses, la pression sociale s’exerce sur les célibataires de façon différente selon l’âge, le sexe et la catégorie sociale des individus. Les personnes issues des classes sociales élevées vivent ainsi davantage leur célibat comme une période subie et peu épanouissante, en comparaison avec les classes populaires. Ce clivage est particulièrement prégnant parmi les femmes.

« Les ouvrières et les employées sont en effet celles qui présentent le plus souvent leur célibat comme un choix (50 %), loin devant les femmes cadres et professions intellectuelles supérieures (25 %) », notent les auteures. Concernant les difficultés matérielles et financières liées au célibat, elles ajoutent que « les mères célibataires des milieux favorisés déclarent bien plus de difficultés associées à la vie hors couple que les mères ouvrières ou employées ».

Les inégalités entre les sexes, plus importantes dans les milieux défavorisés, pourraient expliquer ces différences de perception. Interrogées, les femmes de classes sociales modestes mettent ainsi en avant une « liberté de décider » nouvellement acquise et une autonomie retrouvée – notamment financière – avec leur situation de célibat.

Une perception très négative pour les célibataires à 30 ans

Enfin, ressort de l’article un « âge critique » du célibat, entre 30 et 34 ans. Dans cette tranche d’âge, qui est aussi celle où l’on trouve le nombre le plus faible de célibataires, le fait de vivre seul est perçu de façon largement négative. Seuls 22 % des hommes et des femmes présentent alors leur célibat comme choisi, contre 46 % pour les femmes en général et 34 % pour les hommes.

« La situation de célibat semble d’autant mieux vécue qu’elle est partagée par les pairs. À l’inverse, elle apparaît moins satisfaisante lorsqu’elle est peu courante », avancent les chercheuses en guise d’explication.

Les célibataires oubliés au sein de l'Eglise

 Par « célibataires », on désigne ici des personnes vivant seules, non consacrées et jamais mariées. Si l’image sociale du célibat s’améliore, sous l’effet de la banalisation d’un phénomène qui ne fait que s’intensifier depuis un demi-siècle, les célibataires regrettent cependant le silence de l’Église à leur sujet.

 Un silence notable lors des deux synodes consacrés à la famille, où cette question a été effleurée, sans donner lieu à aucun développement dans l’exhortation apostolique Amoris Lætitia, publiée en 2016. Un silence également marqué dans les paroisses, où les célibataires témoignent d’une grande générosité et sont souvent très investis dans la vie de la communauté, au risque, d’ailleurs, d’être sur-sollicités, car considérés comme toujours disponibles. « Pourtant, on prie rarement pour nous de manière spécifique, y compris dans des moments privilégiés, comme le dimanche de la Sainte Famille », remarque Juliette, 44 ans, qui anime une communauté de prière pour les célibataires sur le réseau social Hozana.

À la racine de ce relatif « oubli », certains regrettent la persistance d’un discours confondant les notions de vocation et d’état de vie : « Quand on parle de vocation, si l’on n’évoque que le mariage et la vie consacrée (ou sacerdotale), que reste-t-il pour les célibataires ? », analyse le père Nicolas Rousselot, jésuite et accompagnateur des sessions célibataires oorganisées par Theotokos. En réalité, la vocation est l’appel à la sainteté que Dieu adresse à tous les baptisés – quel que soit leur état de vie.

De la part de l’Église, les célibataires attendent davantage d’attention. Paul, 43 ans, témoigne ainsi de « l’importance vitale » des liens fraternels qu’il construit avec des familles. « Les pasteurs ont un rôle à jouer pour entretenir ces liens enrichissants pour chacun, qui nous évitent d’évoluer dans des cercles fermés. Cela peut passer par des gestes très simples, comme proposer à une famille d’inviter telle personne célibataire à déjeuner après la messe », confirme Juliette.

Découvrir de nouvelles fécondités

L’attente porte également sur un meilleur accompagnement spirituel. Dans ce domaine, plusieurs initiatives intéressantes ont vu le jour récemment, comme « Célibataires, chemins de vie », un cycle de huit soirées dans la paroisse Sainte-Cécile de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), ou l’université d’été de Theotokos, une rencontre de six jours organisée cet été à Val Cenis. Des lieux de ressourcement pour ces chrétiens qui aspirent à trouver un équilibre de vie et des manières de se donner pleinement : « Comment vivre la chasteté dans une société qui fait de la sexualité un élément indispensable à l’épanouissement personnel ? », se demande Xavier, 49 ans. « Ma souffrance a-t-elle un sens ? Comment traverser cette attente (dont je ne sais si elle prendra fin) dans l’abandon mais sans résignation ? », s’interroge Caroline, 34 ans, partagée entre le regret de ne pas vivre le mariage auquel elle se sent appelée, et « la certitude de pouvoir porter du fruit autrement ».

« Le célibat non choisi est une expérience de dépouillement », commente Dominique de Monléon Cabaret, qui perçoit dans le témoignage de célibataires heureux « un trésor pour l’Église » : le signe que l’on peut compter sur « Dieu seul »« Le grand vide vécu par les célibataires, écrit-elle dans Dieu ne m’a pas oublié,appelle la venue du Christ et fait passer de l’attente à l’espérance. »

 

Au cœur des sites de rencontres  - Marie Bergström (chercheure à l'Ined)

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