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Liberté et engagement

S'interroger

L'engagement du mariage, une perte de liberté ?

Lorsque l’amour commence à se dessiner et que l’on envisage les fiançailles, voire une vie commune, Il est fréquent d’entendre les amoureux se dire l’un à l’autre : maintenant nous sommes encore libres de rompre, mais nous ne pourrons plus le faire après le mariage. La liberté t’est accordée jusqu’au mariage et lors de la signature devant le maire ou le prêtre, tu perdras cette liberté. Ces phrases laissent interrogateurs sur la signification du mot « liberté ». Que met-on sous ce terme pour imaginer que celle-ci n’est sauve que jusqu’au mariage ?

Une liberté de poser l’acte ?

Voudrait-on dire que la liberté consiste dans la possibilité de poser matériellement un acte qui pourrait être empêché par un facteur extérieur ? Ainsi une fracture de la hanche m’enlève la liberté de poser matériellement l’acte de marcher. On comprend de suite que tel n’est pas le sens du terme utilisé par les futurs fiancés. Je peux toujours matériellement poser l’acte d’une rupture après le mariage et malheureusement bien des époux et des épouses sont amenés à le faire.

La loi, une restriction de la liberté ?

Derrière cette formule d’une liberté qui se perdrait par le mariage, on crée une opposition entre la loi et la liberté. La loi limiterait ma liberté et celle-ci ne pourrait se réaliser que dans l’absence de toute loi. Y a-t-il vraiment une telle opposition entre la liberté et la loi ? Certes la ligne blanche continue sur la route m’enlève la possibilité de dépasser ; je ronge mon frein derrière un camion qui m’empêche de réaliser mon envie de dépasser. Mais cette ligne blanche qui semble me limiter m’assure pourtant la possibilité de circuler sans risque. Si à tout moment une voiture en face pouvait se retrouver sur ma voie, une collision me donnerait la mort et me priverait à coup sûr de cette liberté de conduire. La loi de la circulation routière ne restreint pas mais assure l’exercice de ma liberté. On découvre ici un aspect important de la liberté : la loi, loin de limiter ma liberté me permet au contraire de l’exercer.

La loi garante de la liberté

Pour illustrer cette interaction de la loi et de la liberté, observons des enfants qui veulent s’amuser dans une cour de récréation ; leur première décision consiste à dessiner des lignes blanches avec l’obligation de franchir certaines et l’interdiction de dépasser d’autres. Pour jouer, acte de grande liberté, ils commencent par se donner des règles. Dans un même ordre d’idées le sportif qui fait du parapente est bien content de pouvoir compter sur la loi immuable de la pesanteur et les lois météorologiques des courants pour se déplacer à sa guise. Si ces diverses lois de la nature n’étaient pas fiables ; il s’écraserait au sol et ne pourrait absolument pas voler en jouant avec ces lois. Le maçon également sait pouvoir s’appuyer sur les lois immuables de la nature et de la résistance des matériaux pour construire sa maison.

La liberté et l’autonomie

On le voit donc avec évidence ; la loi n’est pas une entrave à la liberté. Mieux encore, s’engager dans une loi, c’est pleinement réaliser sa liberté : on dit d’un homme libre qu’il est autonome. Le terme autonome conjugue deux mots : nomos : la loi et auto qui signifie par soi-même : la liberté, ne consiste pas dans l’absence de toutes lois, mais dans le détachement de toute loi extérieure. La liberté, pour donner la belle définition de Rousseau et de Kant, c’est obéir à la loi qu’on s’est soi-même donnée.  La responsabilité, issue de la liberté, prend alors tout son sens étymologique : le mot responsabilité ne vient-il pas de répondre et  dans « répondre » sonne  le mot latin spondere, épouser ?

Le mariage acte de souveraine liberté

Dans ce cas, la phrase des futurs fiancés peut prendre un sens plein tout en évitant les contresens. Puisque par le mariage je me suis engagé, je m’enlève le droit de rompre, de revenir sur ma parole. On a donc bien compris que la décision humaine consiste à s’engager et à donner sa parole ; cependant par cet engagement je ne perds pas ma liberté, je l’exerce pleinement. Par la signature du mariage, les futurs époux réalisent souverainement leur liberté en se donnant mutuellement une loi à laquelle ils s’efforceront d’obéir fidèlement.

Remerciements à Dominique Pignat

Professeur émérite de Philanthropos

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